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  • ricardosalvador2

L'opium du peuple.

Vous allez rire, je suis en train de refaire ma cuisine.

Mes connaissances en matière de bricolage frisant le zéro absolu et mon habileté manuelle suffisante pour faire se gausser un manchot Parkinsonien, j’ai préféré recueillir quelques conseils auprès de professionnels avertis.

Me voilà donc, innocent, naïf voire benêt, en quête d’un magasin spécialisé, une de ces gigantesques boutiques pour abeilles industrieuses dont on vante les bienfaits sur de gigantesques panneaux (dé)figuratifs..

Soyons francs, des amis très chers m’avaient recommandé d’être prudent, m’avaient mis en garde contre ces lieux quasi-mystiques dont les couloirs étaient hantés par des disciples aux tenues extravagantes, souvent habillés de salopettes bleues ou blanches mouchetées de peinture, coiffés de casquettes publicitaires horribles et arborant leur mètre-ruban ou leur tournevis comme un prêtre exorciste brandit son crucifix ou son chapelet. Ces êtres mutants, pauvres âmes damnées possédées par les Démons du système-D ( D comme Diable), Mephisto-Merlin et Bélzédépot. Ces suppôts effarés qui sciaient, rognaient, limaient, clouaient sans vergogne le moindre morceau de bois tombant sous leurs mains calleuses et meurtries par les instruments contondants.

« Prends garde, pauvre fou inconscient que tu es ! m’avait même lancé un ami sincère souffrant d’une terrible allergie aux outils et que la simple évocation d’une truelle mettait en proie à des tremblements et des boursouflures qui le défiguraient, Prends garde ! leur secte est puissante ! Leurs membres sont dévoués aveuglément, leur discours langoureux et habile pourrait bien t’envoûter à jamais ! » …Et son rire de dément se perdit dans les ruelles sombres et sordides.

J’étais donc au courant de ces pratiques impies mais mon scepticisme viscéral m’interdisait de porter un quelconque crédit à ce genre de rumeur urbaine, c’est pourquoi je pénétrai dans une de ces églises, (toujours situées en banlieue sans doute pour des questions de sécurité) le cœur léger et serein. A peine un pied posé dans le sanctuaire, que je pus constater de visu la véracité des légendes. Un spectacle indescriptible s’offrit à mes yeux incrédules, des pauvres bougres aux orbites hallucinées sillonnant des rayons remplis d’objets étranges aux propriétés sans doute surnaturelles, des amulettes graduées, des fétiches à niveau, des talismans cruciformes, des bréviaires sataniques en forme de notice d’utilisation ! La panique m’envahit ! Pour ne pas me faire repérer, je fis l’acquisition d’une équerre de charpentier ( signe divin ?) et sitôt sorti de l’antre je m’enfuis à toutes jambes à la recherche d’un exorciste.

De retour chez moi, rongé par l’attrait de l’interdit et du satanique, et ce malgré les avertissements de mes camarades, je voulus utiliser l’équerre acquise à prix d'or mais ne réussis qu’à m’entailler cruellement la main. Certains prétendront que c’est le manque d’habitude de manipuler un outil qui me fit exécuter une fausse manœuvre, moi j’affirme que l’objet était tout simplement ensorcelé.

Je l’aspergeai alors d’eau bénite et l’enterrai au plus profond de mon jardin.

Pour en finir avec cette étrange histoire, j’ai préféré confier l’installation de ma cuisine aux employés d’un célèbre designer ( prononcer dix ânières) Suèdois.

Il n’est pas né celui qui me verra à nouveau avec un outil dans la main.

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